Page:Balzac Histoire des oeuvres 1879.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

— Vous voyez bien, maître, que votre pièce peut servir de leçon !

XXVIII. Un Duel à la plume (Balzac et Sainte-Beuve), par A.-J. Pons. Le Nain Jaune, 10 décembre 1876.

XXIX. Les Œuvres et les Hommes, par Victor Fournel. Le Correspondant, 10 décembre 1876. Nous extrayons de cet article, où il est question de la Correspondance de Balzac, le très-curieux fragment suivant :

On sait que Balzac écrivait laborieusement, et l’histoire des épreuves successives qu’il grossissait à chaque fois d’innombrables adjonctions, jusqu’à ce qu’il eût tiré un long roman d’une courte nouvelle, est devenue légendaire. Il lui fallait un effort sans cesse renouvelé pour revêtir ses conceptions d’un style adéquat, comme s’exprimeraient les Allemands. Théophile Gautier, qui le connaissait bien et l’admirait beaucoup, a dit de Balzac « qu’il ne possédait pas le don littéraire et que chez lui s’ouvrait un abîme entre la pensée et la forme ; qu’il ne trouvait pas son moyen d’expression, ou ne le trouvait qu’après des peines infinies. » Pour reprendre une métaphore de Balzac lui-même, le fondeur n’arrivait qu’après un travail pénible à débarrasser son œuvre des bavures de la coulée. Il se rendait parfaitement compte de cette grande lacune de son talent ; le style était sa préoccupation constante, et, à force de vouloir atteindre le but, il lui arrivait de le dépasser, en tombant dans les afféteries du maniérisme le plus précieux et le plus entortillé. Parmi ses amis, Gautier était précisément celui qui excitait le plus l’envie de Balzac par la tranquille supériorité de son style et à qui il demandait le plus volontiers conseil et, au besoin, secours. On savait qu’il avait souhaité sa collaboration pour Mercadet et que l’auteur d’Albertus avait rimé, pour son Grand Homme de province à Paris, le sonnet de la Tulipe, qui a été recueilli dans ses œuvres. Mais il semble que tout n’ait pas été dit sur la collaboration plus ou moins volontaire de Théophile Gautier avec Balzac. Un aimable correspondant, un esprit curieux des choses littéraires, m’écrit pour m’en donner une preuve singulière et qui n’a jamais été relevée, que je sache. En 1837, Gautier publiait dans le Figaro les Portraits de Jenny Colon, de madame Damoreau (Figaro du 13 décembre 1837) et de mademoiselle Georges, qu’on a réunis depuis en volume, avec beaucoup d’autres, dans la collection de ses œuvres. En 1839, Balzac faisait paraître Béatrix. Et, dans Béatrix, on retrouve, presque à chaque page, des expressions, des tournures, des images, même des phrases entières empruntées aux Portraits de 1837. Il suffit, pour s’en convaincre, de rapprocher les fragments ci-dessous :

BÉATRIX PORTRAITS CONTEMPORAINS
(Édition Michel Lévy)
à 1 fr. 25 le volume
(Édition Charpentier, 1874)
Cette chevelure, au lieu d’avoir une couleur indécise, scintillait au jour comme des filigranes d’or bruni. Les cheveux… scintillent et se contournent aux faux jours en manière de filigranes d’or bruni.