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communication avec Philipon, et notre journal reparaît à dater d’aujourd’hui, avec la régularité que nos abonnés lui connaissent, et que le dépôt même de notre cautionnement ne peut rendre que plus invariable encore.

Quoique cette interruption ait été causée par force majeure, nous nous ferons un devoir de dédommager nos abonnés de la privation d’un numéro. Pendant le mois de juillet, nous donnerons, dans trois numéros, trois dessins au lieu de deux.

Nous invitons ceux de nos souscripteurs dont l’abonnement expire à la fin de juin à le renouveler sans retard, les épreuves du second tirage étant toujours beaucoup plus fatiguées que celles du premier.

28 juin 1832.
XLI.
LES FAUX DIEUX DE L’OLYMPE.
I.

Vingt-trois procès dans un an, trois condamnations, 7,000 francs d’amendes et de frais, l’obligation de fournir un cautionnement de 24,000 francs, que jamais Charles X n’avait demandé à la Silhouette, treize mois de prison pour notre gérant, tout cela avait fait de la Caricature un journal passablement méchant, et méchant à bon droit. Mais ce n’était pas assez, nous aurions pu nous refroidir ; notre haine, en vieillissant, aurait pu perdre de sa force ; il a fallu prudemment raviver notre colère, et, pour cela, rien n’était meilleur qu’une criante injustice. Or, notre gérant, que menace une paralysie du nerf optique, et que de fréquentes congestions cérébrales mettent souvent en danger, Philipon, fugitif pendant la terreur de juin, et qui ne s’était livré, avant la levée de l’état de siège, qu’à la condition qu’on le laisserait prisonnier sur parole chez le docteur Pinel, a été brutalement enlevé de cette maison et rejeté à Sainte-Pélagie… N’aurions-nous pas été en cas de légitime défense, si, prenant corps à corps des ennemis tellement acharnés, nous eussions vengé par la risée publique le mal fait de sang-froid à notre collaborateur ?

Nous ne l’avons point fait ; car nous sommes insensibles aux coups qu’on nous porte, et c’est avec sagesse qu’on attend sans doute de nous de la douceur pour de la violence, de l’aménité pour de la brutalité.

Nous avons quitté momentanément le domaine de la politique, et nous sommes retombés dans les dieux pour rire, dans l’Olympe de convention. Si notre début dans le genre rococo classique n’est pas brillant, si nos têtes ne sont pas nobles, si nos costumes ne sont pas d’une exactitude mythologique, c’est la faute de nos modèles et de nos habitudes ; nous serions bien heureux de pouvoir en changer, mais nous ne l’espérons pas.

Nous reviendrons sur ce tableau d’histoire.

On nous assure qu’un saisisseur fameux, furieux d’une charge qu’il a prise pour lui, prépare une vengeance déguisée. Ce serait joli !

20 septembre 1832.