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— C’est que tu les mets trop haut, chère amie. — … Que j’ai la croix de la Légion d’honneur ?…

— En voilà encore une qui tombe.

— C’est que tu en mets trop à la fois, bobonne. — … Que je suis ami des libertés : de celle de la presse ?

— Ah ! celle-là mord bien.

— Oui, je le sens ! — … Enfin, le défenseur zélé d’un trône entouré d’institutions républic…

— Ah ! les voilà enfin.

— Ohi ! ahi ! holà ! bobonne, comme elles piquent !

23 juin 1831.
XXII.
GUILLOTINE À CHIENS.
Ceci n’est point une histoire.

— Est-ce qu’on n’a pas affiché mon ordonnance contre les chiens ?

— Si, monsieur le préfet. Il y en a même un superbe exemplaire à votre porte.

— Mais on en rencontre dans tout Paris, se promenant la tête haute comme les républicains un jour d’émeute.

— C’est qu’ils n’auront pas bien lu l’ordonnance. On l’a placée trop haut.

— Il est cependant indispensable de se débarrasser de ces animaux-là ; car, à voir le caractère des Parisiens, il paraît qu’ils en mordent terriblement par jour.

— C’est bien vrai, monsieur le préfet. Faut-il alors lancer la boulette administrative, ou bien encore renouveler les massacres de la rue Guénégaud ?

— Non. Aux hommes nouveaux, des moyens neufs. J’y songerai. Revenez demain matin.

Le lendemain, c’était jeudi dernier, et voici ce qui arriva :

Parmi les innombrables voitures de toute forme et de toute espèce qui se croisent dans Paris, on en remarquait une inusitée par son aspect, charrette mystérieuse qui cheminait lentement comme un corbillard de jeune fille.

Gâté qu’il est par une nouveauté toutes les vingt-quatre heures, plus d’un citadin passait insouciant sans honorer l’équipage d’un regard.

Mais il n’en était pas de même des pauvres chiens. Tous quittaient leur maître, leur pâtée, leur devoir ou leurs affections, pour courir après la séduisante charrette, sous laquelle était attachée une jeune et fraîche chienne de chasse aux formes potelées, au poil ondoyant.

Et, ici, voyez la perfidie. Une jolie chienne peut faire tourner la tête au chien le plus vertueux. C’est ce qui arriva, la nature et M. Vivien aidant.

Vous croyez peut-être que, par ce mode de procession amoureuse, au retour de l’équipage à la préfecture, M. Vivien comptait gratifier, comme les étudiants, ces