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un genre de plaisir généralement apprécié, mais encore une source féconde de richesses et de prospérité.

Or, comme, en fait de bonnes idées, nous sommes peu récalcitrants, nous avons goûté du plaisir, nous avons goûté de l’importance végétale, et nous avons pensé que c’étaient choses convenables à importer.

Depuis lors, de généreux efforts, de coûteux sacrifices ont vaincu les premiers obstacles, et aujourd’hui cette science, élaborée péniblement par des hommes modestes et silencieux, a offert des résultats qui atteindront bientôt la supériorité.

De cette amélioration il commence à résulter ce qui existe déjà à Berlin, Vienne, Édimbourg et surtout à Londres : toutes les classes s’intéressent et prennent part à une occupation pleine de charmes et de succès réels ; chacun, suivant la somme de ses moyens, veut concourir à l’œuvre de mode ; entre la lucarne fleurie de la grisette et le jardin du riche capitaliste s’agitent les progrès ambitieux de toute une population de petits propriétaires.

À une pareille armée de praticiens volontaires, il faut autre chose que de sèches théories jetées de loin en loin par un sixième étage. Une nouvelle association d’hommes spéciaux formant une Académie d’horticulture, et appelant à en faire partie tous ceux qui le désirent, nous semble le moyen le plus efficace pour régulariser au profit de la science, et maintenir toujours dans une salutaire direction un goût général auquel pourrait nuire une foule d’erreurs particulières.

Ce n’est pas dans les colonnes réclamées par le ridicule que nous chercherons à analyser le but de cette entreprise d’un intérêt du premier ordre. Que ceux qui voudront s’associer à ses utiles travaux, connaître ses moyens d’opérations, concourir aux prix trimestriels qu’elle décerne, que ceux-là se dirigent rue Taitbout, no 14 ; ils y trouveront des renseignements curieux.

Quant à nous, puisque nous avons sous les yeux le premier numéro du Journal de l’Académie d’horticulture, nous extrairons quelques lignes d’un article sur la Symétrie des jardins, par M. Ch. Lautour-Mézeray, dans lequel cet écrivain, qui instruit sans prétention, frappe de sa plume nerveuse les ridicules horticoles : « Depuis le démembrement des grandes fortunes, qui, sous les rapports de l’aisance individuelle, a produit d’heureux résultats, nos mœurs se sont nivelées à la juste mesure de nos propriétés et de nos appartements ; dès lors, un étrange changement dans la signification des mots : un nouvel enrichi a donné le nom de château à sa petite métairie ; M. l’épicier a parlé de ses domaines, et chacun surtout a brigué les honneurs du jardin anglais ; car c’est sous cette dénomination générique que l’on a confondu les jardins paysagers, les parcs et jardins-parcs. Ces jardins sont aujourd’hui en possession de la faveur du public ; il n’y a pas de petit propriétaire qui ne bâtisse une maison de campagne sur quelques toises de terrain, qui ne veuille avoir son jardin ; de là ces travestissements d’un genre qui doit, il est vrai, représenter les accidents de la nature en petit, mais dont les proportions doivent toujours avoir leur échelle. Un jardin paysager doit être riche de perspectives et se dérouler en tableaux ; des aspects nouveaux doivent s’y découvrir, les scènes de la vie agreste s’y rencontrer sans prétention ; ce doit être enfin une vue de campagne harmoniée et resserrée dans un petit cadre. En France, où malheu-