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à être cette femme, et à prendre le danger sur mon compte… Voyons, prêchez-moi…, dit en riant la maîtresse de la maison.

Tout le monde s’étant groupé autour de M. de Villaines, il commença en ces termes :

— Je ne sais pas s’il y a parmi vous beaucoup d’amants, dit-il en jetant un regard à demi sardonique sur tout le monde, mais je suis bien certain de ne jamais dire mon aventure à des personnes plus dignes de l’entendre…

Ici, le Message commençait, et, après le mot risées (voir tome III, page 3, ligne 17), se plaçait ceci :

— Je vous demande grâce, madame, dit M. de Villaines à la maîtresse du logis, pour ces détails ; plus tard, vous…

— Allez, dit-elle, votre remarque est plus dangereuse que vos confidences. N’interrompez plus votre récit.

Après cette interruption, le Message reprenait et se terminait sans changements, complété par ces quelques lignes :

— Et vous avez cru voir dans cette aventure, dit la maîtresse du logis, une leçon pour les jeunes femmes !… Rien ne ressemble moins à un conte moral… Qu’en pensez-vous ?… ajouta-t-elle en quêtant autour d’elle des approbations à son opinion.

— Il faut conclure de cette histoire, dit un jeune fat, que nous ne devons pas voyager sur les impériales !…

— C’est un malheur, mais ce n’est pas une leçon !… reprit une jeune dame. Vous nous avez représenté la comtesse si heureuse, et son mari si bien dressé, que la morale de votre exemple est en conscience peu édifiante ! dit-elle en s’adressant au narrateur.

— Quoi ! mesdames, répondit M. de Villaines, n’est-ce donc rien que de vous montrer quelle instabilité frappe les liaisons criminelles ; de vous faire voir le hasard, les hommes, les choses, tout, aux ordres de cette justice secrète dont la marche est indépendante de celle des sociétés ?… Il n’y a pas de quoi faire frémir une femme au moment où elle va se livrer au malheur ?…

À ces mots, madame d’Esther leva la tête vers M. de Villaines ; elle était profondément émue.

— Prenez garde, reprit-il en s’adressant aux dames, si vous ne trouvez pas cette histoire assez tragique, vous donnez gain de cause à ceux qui plaident pour cette pièce dont vous condamniez le sujet ; mais, à des femmes moins jeunes, moins naïves que celle à laquelle j’étais censé m’adresser, je pourrais dire une tragédie domestique plus effrayante…

— Supposez-nous moins naïves, alors…, dit une dame.

Madame d’Esther était muette et pensive.