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HISTOIRE

« À monsieur le Rédacteur du Siècle.

Paris, 27 septembre 1839.
Monsieur,

Je viens de lire, dans le numéro d’aujourd’hui de votre journal, une lettre de M. de Balzac, qui, par la manière dont il parle de ma déposition dans le procès Peytel, m’oblige à vous adresser une réclamation que je vous prie de vouloir bien insérer dans votre numéro de demain.

Voici le passage qui me concerne :

« M. Casimir Broussais a représenté M. de Lamartine comme ennuyé des persécutions de Peytel, et ne cédant qu’à des importunités, soit en assistant au contrat, soit en conduisant Félicie Alazar à la mairie, à l’église, à l’autel, à la célébration du mariage. Il rapporte ce propos si spirituel de Félicie à son prétendu : Vous connaissez tant M. de Lamartine, que je commence à croire que vous ne le connaissez pas du tout. Le soin qu’a pris M. de Lamartine de servir de père à Félicie n’est pas une affaire de simple politesse, etc. »

Suivent quelques observations et cette lettre écrite, par M. de Lamartine dans les circonstances que j’ai montrées au tribunal, et avant l’entrevue que j’ai rapportée.

J’ai pu souffrir, sans réclamer, que M. Margeraud, avocat de l’accusé, après avoir rendu publiquement hommage à la loyauté de ma déposition (ce sont ses propres expressions), cherchât plus tard à en atténuer la force, puisque la liberté de la défense est, pour ainsi dire, illimitée ; mais je n’accorde pas à M. de Balzac le droit de mettre en suspicion la véracité des paroles que je prononce en face de la justice et sous la foi du serment ; si je n’avais pas dit l’exacte vérité, M. de Lamartine, l’orateur courageux, le poëte généreux, comme le définit si bien M. de Balzac, n’aurait pas manqué de désavouer mes paroles, puisque je n’ai fait que rapporter la conversation que nous avons eue ensemble. Je n’ai eu en vue que l’intérêt de la justice et de la vérité. Que M. de Balzac, guidé par le ressouvenir d’anciennes liaisons, élève la voix en faveur d’un condamné, libre à lui ; mais qu’il s’abstienne désormais d’attaquer dans son honneur un homme qui ne souffrira jamais qu’on l’accuse de mensonge, pas même par insinuation.

Je ne doute pas, monsieur le Rédacteur, que vous ne consentiez à accueillir cette réclamation, désireux d’ailleurs que M. de Balzac ne m’oblige pas, dans la suite de son plaidoyer, à vous en adresser d’autres plus tard.

J’ai l’honneur de vous saluer avec une parfaite considération.

Casimir Broussais.

Je n’ai qu’une observation à faire à M. Broussais. Il ne s’agit ici que de droit criminel : toute la partie de sa déposition relative à M. de Lamartine périt devant cette considération qu’aux cours d’assises il n’existe d’autres témoignages que ceux donnés par les témoins eux-mêmes.

De Balzac.