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Mondes du 15 février 1832, ce récit parut pour la première fois en volume dans le tome III de la deuxième édition des Scènes de la Vie privée, mai 1832 ; il y est intitulé le Conseil, et comprend en outre une des trois nouvelles que Balzac intitula plus tard la Grande Bretèche ou les Trois Vengeances, en les réunissant ensemble (voir Autre Étude de femme). Cette version contenait des fragments curieux qui ont disparu dans toutes les éditions suivantes et que nous recueillons ici pour la première fois. En 1833 (daté 1834), et en 1839, Balzac inséra le Message, qui depuis lors garda ce titre, dans le tome II de la première et de la deuxième édition des Scènes de la Vie de province, et, en 1842, cette nouvelle fut définitivement placée, augmentée de sa dédicace et de sa date, dans la cinquième édition des Scènes de la Vie privée, tome II (première édition de la Comédie humaine). Voici la première version du Conseil.

LE CONSEIL.

— La pièce est, je vous l’assure, madame, souverainement morale.

— Je ne partage pas votre avis, monsieur, et je la trouve profondément immorale.

— Voilà des gens bien près de s’entendre !… dit un jeune homme.

— Ils ne connaissent pas la pièce !… lui répondit à voix basse une jeune femme.

— Vous avez été la voir ? demanda le jeune homme.

— Oui, reprit-elle.

— Et vous étiez au spectacle avec M. de la Plaine…

— Cela est vrai !…

— Sans votre mari ni votre mère.

— Mon Dieu !… reprit-elle en riant d’un rire affecté, contraint même, l’incognito est bien difficile à garder dans Paris !

— Vous vouliez donc vous cacher ?

— Non…, dit-elle ; et, si j’en avais eu l’intention, voyez un peu comme j’y aurais réussi ! Mais vous êtes donc mon espion ?

— Non, madame, reprit le jeune homme, je suis votre ange gardien…

— N’est-ce pas la même chose ? dit-elle ; les anges gardiens sont les espions de l’âme.

— Oui, mais un espion doit être payé. Or, répondit-il, pourriez-vous me dire ce que gagnent les bons anges ?

La jeune femme regarda d’un air inquiet son interlocuteur.

Pendant cet aparté, la discussion, ayant continué, s’était échauffée.

— Monsieur !… disait la maîtresse de la maison au représentant de l’opinion contraire à la sienne, il y a deux manières d’instruire une nation. La première et, selon moi, la plus morale, consiste à élever les âmes par de beaux exemples : c’était la méthode des anciens. Autrefois, les forfaits représentés sur la scène y apparaissaient au milieu de tous les prestiges de la poésie et de la musique ;