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humaine en 1846 ; il se plaçait après les mots « envers cette reine », ligne 24, page 375 :

Plus tard, quand il eut résolu d’indiquer la pensée qui avait conduit chaque siècle antérieur au nôtre, afin de démontrer l’activité des idées et leur puissance, il pensa naturellement à Catherine. Son opinion sur cette grande reine n’est d’ailleurs pas nouvelle. Le Petit Souper (les Deux Rêves), la dernière des trois études réunies ici en corps d’ouvrage pour la première fois, a été publié en 1830. Peut-être, si cette Étude eût été intitulée Dialogue de Catherine de Médicis et de Robespierre, l’analogie frappante entre les exigences politiques du principe de la domination démocratique et du principe de la domination monarchique eût-elle été mieux comprise.

Le Martyr calviniste et le Secret des Ruggieri montrent Catherine de Médicis aux prises avec la première et la dernière grande difficulté de sa vie politique ; mais, en voyant combien de développements exigent ces deux détails et combien de faits, d’hommes et d’intérêts s’y rattachent ; en observant surtout avec quelle sobriété l’auteur a procédé, l’on apercevra les énormes travaux auxquels doivent se condamner les historiens qui voudront entreprendre la peinture vraie de la France pendant la réformation, ouvrage auquel travaille, dit-on, M. le marquis de Pastoret depuis quinze années.

Évidemment cette histoire aura toujours deux historiens, un protestant et un catholique ; car l’impartialité, dans le sens que l’on donne à ce mot, n’y est point permise. Aujourd’hui nous n’avons plus qu’à en peindre le drame : la chose est jugée, nous sommes dévorés par l’esprit du protestantisme.

Quand un grand homme se présentera-t-il pour dompter ce nouvel esprit des sociétés, comme Luther et Calvin ont vaincu l’ancien ? Quand se lèvera le Luther ou le Calvin de la monarchie et de la religion, pour faire perdre à ces mots Liberté, Égalité, Élection, leur funeste auréole ? L’entreprise est difficile, Napoléon y a déjà succombé. La plume en ceci nous semble plus puissante que l’épée ; car les novateurs ont vaincu plus par l’encre que par la poudre à canon. Aussi, quel nom donner à un pouvoir qui, de nos jours, ne veut pas s’unir intimement avec les écrivains de talent qui défendent la société ; qui, loin de protéger la pensée, ne pense qu’à nuire à ceux qui en disposent ? Était-ce l’armée et le talent militaire qui manquaient à Philippe II et à Catherine ? Était-ce l’or ?

Quant à la conclusion à tirer de ces études sur Catherine, elle sera claire et visible : le pouvoir ne doit jamais être astreint aux règles qui constituent la morale privée. Cette maxime est directement contraire à celle avec laquelle la bourgeoisie voudrait aujourd’hui diriger la politique des États. Ne sera-ce pas rendre notre pays victime des cabinets qui se conduisent par les principes politiques de Catherine ? Aussi voyez combien la Russie et l’Angleterre sont, politiquement parlant, supérieures à la France ? Il y a une politique russe, une politique anglaise, il y a même une politique autrichienne et une politique prussienne en présence ; mais il n’y a point de politique française. Les causes de la grandeur de Louis XIV sont dans une application constante des principes de Catherine de Médicis. Aussi, quand