Si nous dérogeons à nos habitudes satiriques, et si nous abdiquons le pouvoir de la moquerie en faveur de ce livre ;
Ce n’est pas parce qu’il a le plus brillant succès ;
Ni parce qu’il tire violemment le lecteur de l’époque actuelle, de ses misères, de ses grandeurs, de la politique boiteuse, de la propagande qui marche ;
Ni parce qu’il a une haute portée de morale et de philosophie ;
Ni parce que, suivant l’admirable expression du premier critique qui en ait parlé, « notre société cadavéreuse y est fouettée et marquée en grande pompe sur un échafaud, au milieu d’un orchestre tout rossinien » ;
Ni parce que la vie humaine y est représentée, formulée, traduite, comme Rabelais et Sterne, les philosophes et les étourdis, les femmes qui aiment et les femmes qui n’aiment pas la conçoivent ; drame qui serpente, ondule, tournoie, et au courant duquel il faut s’abandonner, comme le dit la très-spirituelle épigraphe du livre.
![](http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/48/Balzac_Histoire_des_oeuvres_1879_%28page_178_crop%29.jpg/500px-Balzac_Histoire_des_oeuvres_1879_%28page_178_crop%29.jpg)
Ni parce que le style le plus éblouissant encadre ce conte oriental, fait avec nos mœurs, avec nos fêtes, nos salons, nos intrigues et notre civilisation, qui tourne sur elle-même, et augmente l’intensité de son tourbillon sans y mettre plus de bonheur qu’il n’y en avait hier, qu’il n’y en aura demain ;
Ni parce que l’amour y est ravissant comme l’amour, l’amour jeune, l’amour trompé, l’amour heureux ;
Ni parce que la vie du jeune homme riche de cœur et pauvre d’argent y est jetée comme un brandon entre l’insensibilité de la coquetterie et la passion réelle de la femme.
Mais nous recommandons cet ouvrage à ceux qui aiment la belle littérature et les émotions, parce que nous avons autant d’amitié que d’admiration pour M. de Balzac.
Si ce n’est pas de l’adresse, au moins il y a dans cet aveu de la franchise, ce qui est rare en fait de journalisme.