Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

somme toute, toujours dangereux de paraître initié aux faiblesses des grands.

— Dans quelques jours, se contenta-t-il donc de répondre, j’aurai l’honneur de rendre compte à M. le ministre de ce que j’aurai fait.

Et, sans plus d’explications, il sortit.


IV

OÙ DE GRANDS ÉVÉNEMENTS SEMBLENT S’ANNONCER


Près de quinze jours après l’entrevue que Vautrin avait eue avec Rastignac, un matin, presque avant le jour, il débarquait rue de Provence, chez sa tante, la Saint-Estève. D’autorité, il parvenait jusqu’à sa chambre à coucher, et, sur un véritable lit de chanoine où la digne dame, que l’âge avait rendue frileuse, dormait comme engouffrée dans les courtes-pointes et les édredons, déposant une cassette en palissandre :

— Voilà ! dit-il ; mais il y a eu du tirage, et plus que je n’avais cru.

La Saint-Estève n’était pas femme à se plaindre qu’on la réveillât pour quelque chose d’important ; et d’ailleurs, venant de son Jacques, tout était bien pris. Elle fut donc aussitôt sur son séant, alerte d’esprit comme s’il eût été midi, et, après avoir sonné pour qu’on lui apportât son café, qui tous les matins depuis vingt-cinq ans était la première pensée de sa vie :

— J’étais bien sûre, dit-elle, que tu réussirais ; mais pas moins tu y as mis le temps ; il y a dix jours au moins que tu m’as quittée en me disant que tout était prêt.

— C’est que, ma pauvre mère, la dent a dû être reprise à deux fois : je n’avais rien trouvé dans la chambre de la rue Castex.

— Tiens ! deux domiciles, fit Jacqueline ; l’intrigant !

— Oui, comme intendant de M. de Sallenauve, il a un