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peut ainsi parler, au chat en poche de sa passion, ce sera une femme faite et réfléchie, sachant la valeur vraie de son acquisition et ne devant pas se soucier, après coup, des imperfections que vous aurez eu la loyauté de lui signaler.

— Alors, dit gaîment Sallenauve, à quand la noce ?

— Je vais écrire que ma combinaison vous agrée, répondit Bricheteau ; maintenant je crois que vous ferez bien de voir seul madame de l’Estorade ; quoique ne devant pas ignorer ce que vous avez à lui révéler, ne pas me trouver là pour l’entendre me paraît une nuance indiquée de la situation.

— J’irai tantôt, dit Sallenauve, annoncez ma visite.

Même dans l’entrevue qui en effet eut lieu dans la journée, madame de l’Estorade ne démentit pas son caractère. Sans dissimuler d’une manière absolue ses sentiments pour Sallenauve, ce qui eût été par trop désobligeant, elle eut soin de beaucoup parler du salut de sa fille, qui, par ce mariage, devenait assuré ; car elle avait eu avec elle une conversation confidentielle, et toutes les prévisions de Bricheteau s’étaient si bien réalisées, que Naïs s’était déclarée prête, pour, le jour même, à recevoir M. Félix de Restaud.

Mais quand Sallenauve en vint à sa confidence et qu’il eut longuement, et sans rien en dissimuler, exposé tous les malheurs de sa naissance, les neiges éternelles qui couronnaient la cime des Alpes l’Estorade commencèrent à se fondre.

— Ah ! monsieur, dit-elle, avec les larmes dans les yeux, au généreux confesseur de cette infamie, qu’il avait su si bien racheter, que je suis heureuse de ce que vous m’apprenez ! Tout le dévoûment ne sera donc pas de votre côté, et, chacun des jours de ma vie, j’aurai à vous prouver que je n’ai pas cru descendre en acceptant votre main. Si ma pauvre Louise de Chaulieu vivait pour recevoir ma confidence, ajouta-t-elle, comme je serais sûre, cette fois, d’être approuvée par elle !

Sallenauve crut devoir à sa délicatesse une dernière remarque :

— Veuillez pourtant, madame, dit-il, y réfléchir encore : le nom que vous consentez à porter n’est pas même