Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme naturellement elle ne l’avait pas sur elle, l’aimable fonctionnaire se contenta de sa signature et prit sur lui de délivrer gracieusement hic et nunc la personne du dispendieux époux.

Après s’être jeté théâtralement dans les bras de Cécile, M. de Trailles lui dit qu’elle avait eu tort de tout acquitter avec tant de hâte ; que, parmi ses dettes, il y en avait de très discutables, et qu’avec un peu de temporisation on aurait pu facilement obtenir des réductions considérables.

— Aussi, répondit l’avoué de madame de Trailles, comment un homme de votre habileté va-t-il se laisser arrêter ? Le mariage est le tombeau de toutes les forces vives d’un homme. Jamais, étant garçon, vos créanciers ne vous eussent happé de la sorte.

M. de Trailles regarda l’avoué de travers, sentant bien que sa manœuvre était éventée. Mais, la forme sauvée, jamais il ne se souciait du fond ; il dédaigna donc de répondre. C’est ainsi que depuis l’A jusqu’au Z, l’abîme de ses éternelles dettes à la fin fut comblé.


IV

LE SPECTRE FIANCÉ


Vers le mois de mars 1845, Jacques Bricheteau fut assez ému en recevant un billet, d’ailleurs très poli, de Rastignac, qui le priait de vouloir bien passer à l’hôtel du ministre des travaux publics.

L’affaire de Sallenauve, depuis longtemps ensevelie dans une apparence de complet oubli, allait-elle se réveiller ? Le ministre avait-il reçu quelques nouvelles du voyageur ? L’une ou l’autre de ces suppositions parlait trop vivement à l’imagination de l’organiste pour qu’il ne se rendît pas en toute hâte à l’assignation qui lui était donnée.

Bricheteau n’eut pas plutôt décliné son nom à l’huissier, qu’il fut introduit.