Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espérances que m’a fait concevoir la Luigia, je reprendrai l’idée de mon aventureuse entreprise ; car, il faut bien vous le persuader, mon ami, jamais vous ne me reverrez en France avant que le sort de l’infortunée qui m’a donné la vie et qui, à cause de moi, s’est jetée dans une série de tentatives si hasardeuses, soit définitivement fixé.

» Il est inutile de vous dire que je n’accepte pas votre dévoûment et que je ne veux pas vous voir venir partager mes périls. Cui bono ? Ce n’est qu’avec des hommes habitués à la vie des Pampas que je puis espérer de réussir, j’ai besoin de vous en France pour y administrer ma fortune, car j’aurai d’immenses dépenses à faire, et il ne faut pas que le nerf de la guerre vienne tout à coup à me manquer. »


II

RIO-DE-JANEIRO


Au commencement de 1843, Sallenauve écrivait à Jacques Bricheteau :

« Cher ami, vous vous plaignez de mon long silence, et, en effet, depuis la lettre qui vous annonçait mon heureuse arrivée dans la capitale du Brésil, je ne vous ai pas donné signe de vie.

» À la manière dont les choses avaient débuté, je m’étais fait l’illusion d’une solution assez facile et assez prochaine. Présenté par la Luigia à son duc, j’en avais été admirablement reçu. Ce vieillard, qui est un gentilhomme de l’ancienne roche, avait voulu me conduire lui-même chez son neveu, le ministre des relations extérieures, et rien n’avait paru si simple à ce haut fonctionnaire que l’affaire dont je l’entretenais.

» Je fus donc plusieurs semaines remettant à vous écrire, dans l’espérance des heureuses nouvelles que j’aurais à vous adresser. Mais quand je vis les semaines s’écouler et devenir des mois toujours remplis par de