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ment digne, parfaitement dévouée, enfin ce que vous et moi devions attendre de lui.

» — Et la conclusion de tout ceci ? dit alors M. de Rastignac.

» — La conclusion, répondit M. Saint-Estève, elle ne vous intéresse pas seul ; elle intéresse tout le monde ici, et, avant que j’y arrive, je dois achever d’éclairer M. le comte Maxime de Trailles sur une situation qu’il me paraît méconnaître. Je le supplie donc de conserver le sang-froid qu’il me paraît maintenant avoir recouvré, et de m’interrompre le moins qu’il me sera possible.

» Cela dit, M. Saint-Estève s’approcha du guéridon placé au milieu de la pièce. Là il trouva ce qu’on appelle un verre d’eau, c’est-à-dire une carafe, un sucrier, un verre garni de sa cuillère, le tout réuni sur un plateau.

» — Messieurs, dit-il en se préparant le verre d’eau sucrée de l’orateur, vous permettez ?

» Personne n’ayant répondu, il but une petite gorgée et retourna à M. de Trailles, qui, en effet, était parvenu à se donner l’air de la plus dédaigneuse tranquillité.


VIII

EXÉCUTION D’UN BARON ALLEMAND


» — Monsieur le comte, dit Saint-Estève en reprenant la parole, accepter, comme vous le fîtes, la mission qui vous était donnée pour la Plata, n’était peut-être pas donner la preuve d’une très grande prudence. Je sais bien que vous n’alliez pas là sans quelque espérance de trouver le moyen de battre en brèche M. de Sallenauve ; mais en même temps vous laissiez à Paris une jeune fiancée. Vous avez cinquante ans et un peu au-delà ; madame de Trailles en a vingt à peine. Tout le monde sait que vous vous teignez la barbe et les cheveux…

» Le stoïcisme du ci-devant lion ne tint pas contre cette indiscrétion :