laissait encore à son interlocuteur quelque défiance :
— Il me semble cependant, reprit Vautrin, que je suis d’assez bonne composition, car provisoirement je vous donne la clé des champs. Je sais bien si vous n’y alliez pas bon jeu bon argent, que je finirais toujours par vous repincer, mais enfin j’expose plus que vous dans cet arrangement, et ne comprends pas votre hésitation.
— Eh bien ! monsieur, dit le Prussien, j’accepte ; dans une demi-heure, prenez la peine de revenir ; vous êtes sûr, ajouta-t-il naïvement, de ne pas me trouver, mais j’aurai laissé tout mon outillage et tous mes travaux commencés.
— À ce soir, jeune homme, dit M. de Saint-Estève en sortant ; vous vous rappelez, 33, rue de la Bienfaisance. Vous verrez qu’un bel avenir va s’ouvrir devant vous.
Resté seul, le faux monnayeur, après avoir un moment réfléchi, trouva plus sûr de suivre la voie tracée devant lui, que de se constituer en hostilité avec la police qui déjà avait la main sur lui. Il fit donc une toilette élégante, et intrigué, comme on peut le croire, se rendit à l’adresse que Vautrin lui avait donnée.
— Madame la comtesse de Werchauffen ? dit-il à un valet de chambre d’excellente tenue qui vint lui ouvrir la porte d’une petite maison de bonne apparence, un peu après qu’il eut sonné.
— C’est ici, répondit le valet de chambre, en le conduisant à travers une petite cour sablée, dont un massif d’arbres verts surmonté d’un jet d’eau occupait le milieu.
Après avoir traversé un vestibule pavé en mosaïque, le jeune Allemand monta un escalier garni de tapis, traversa un salon, et arriva à la porte d’une chambre à coucher où le valet de chambre lui demanda qui il aurait l’honneur d’annoncer.
— Le baron de Werchauffen.
À ce nom, jeté avec solennité par le domestique :
— Faites entrer, dit la voix d’une vieille femme que le Prussien trouva en quelque sorte incrustée dans un vaste fauteuil tout matelassé d’oreillers, à la façon de celui du Malade imaginaire.
— Mon neveu, dit la collaboratrice de Vautrin, nous ne nous connaissons pas ; mais M. Saint-Estève, qui