IV
UN INSTRUMENT
Vautrin ne tarda pas à être prévenu par la Saint-Estève que tout était prêt suivant son désir.
Aussitôt cet avis reçu, après avoir fait parvenir à sa tante quelques instructions par écrit, il se présentait bourgeoisement et comme un visiteur ordinaire, rue de Verneuil, à l’hôtel du Cantal, et frappait vainement à la porte du jeune Allemand qui lui avait signalé ce rapport de police dont nous avons donné le texte.
S’étant attendu à cette réception négative, Vautrin avait pris ses mesures, et, à la suite d’une assez longue station pendant laquelle, mais toujours avec discrétion, il renouvela ses tentatives pour être introduit, il glissa par-dessous la porte un papier sur lequel était écrit au crayon : « On a à parler à M. Raymond de la part de mademoiselle Beauvisage. »
Le piège pour un amoureux était à peu près inévitable ; un peu de remuement se fit à l’intérieur de la chambre, puis Vautrin vit la porte s’entr’ouvrir, et, au moyen d’une forte poussée, qui acheva de lui donner passage, il eut accès chez le soupçonneux étranger.
— Monsieur, lui dit-il, je n’ignore rien de ce qui vous rend si peu accueillant pour les gens qui peuvent avoir affaire à vous ; vous vous livrez à une industrie occulte et dangereuse, et vous allez, si vous le voulez bien, me remettre les preuves de votre coupable fabrication ; inutilement, vous avez pris la peine de les soustraire à mon arrivée.
Le Prussien devint pâle, et balbutia une dénégation.
— Ce n’est pas d’aujourd’hui que je vous guette, continua M. Saint-Estève ; l’an dernier, à Saint-Sulpice, vous m’avez glissé dans les mains. Il fallait profiter de cette faveur de votre étoile et ne pas revenir tenter le diable.