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III

LES FERS AU FEU


Dans la disposition d’esprit où Vautrin se trouvait alors, il donna une médiocre attention à ce rapport, qui pourtant lui promettait une importante capture, et sa nuit presque tout entière se passa à ruminer la manière dont il aborderait Rastignac.

Le lendemain, dès qu’il fut l’heure convenable, il se présenta chez M. de Restaud, et ne tarda pas à obtenir l’audience qu’il le chargea de demander pour lui.

— Eh bien ! monsieur Saint-Estève, lui dit le ministre en le voyant entrer, est-ce que nous avons du nouveau ?

— Immensément de nouveau, monsieur le ministre : d’abord, le contenu de la cassette que j’ai remise entre vos mains m’est connu.

— Ah ! fit le ministre sans s’émouvoir. Eh bien ! ce contenu a dû vous étonner encore plus que moi ! Par quelle voie avez-vous été renseigné ?

— Par une très mauvaise. Jacques Bricheteau est venu hier dans mon cabinet pour me parler du vol, et aussitôt il m’a reconnu pour le soi-disant marchand de bois qui s’était introduit dans la maison de Ville-d’Avray.

— Vous de soutenir mordicus que le brave homme se trompait ?

— Je l’aurais dû peut-être ; mais, dans l’émoi où m’a jeté la masse de révélations dont il m’a salué, j’ai manqué de présence d’esprit ; il savait d’ailleurs, déjà, monsieur le ministre, par une indiscrétion que vous-même avez commise…

— Moi ? interrompit Rastignac ; je suis sûr de n’avoir ouvert la bouche à qui que ce soit.

— Pardonnez-moi, vous avez parlé d’une mission secrète donnée à M. le comte de Trailles pour Montevideo, où se trouve en ce moment le marquis de Sallenauve ; la