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La Famille Beauvisage



CHAPITRE PREMIER

LA SAINT-CHARLEMAGNE


Pendant que Maxime de Trailles voguait vers les rives de la Plata, la situation politique au milieu de laquelle Sallenauve n’avait pas laissé de prendre un rôle assez considérable suivait un développement naturel et attendu.

Les prévisions de Rastignac ne tardèrent pas à se réaliser. Jamais la coalition victorieuse ne parvint à s’entendre ; chaque matin vit éclore une combinaison qu’emportait le soleil couchant.

Tout en ayant l’air d’accepter le rôle de spectateur passif, le roi, par un mot, par une confidence adroitement jetée venait aider au travail de la décomposition, quand la partie, un peu mieux liée, semblait menacer d’une conclusion. Ce fin politique joua sous jambe tous les grands hommes d’État qui avaient voulu lui mesurer l’air et l’espace, et, après une crise ministérielle de trois semaines, sur une démarche du parti conservateur, qui, jusqu’à la maturité de ce dénoûment, avait ménagé l’intervention officieuse dont Rastignac avait parlé à Maxime, le cabinet, resté par intérim, fut réintégré définitivement au pouvoir.

À la première rencontre, par un de ces revirements si fréquents dans l’attitude des assemblées, le ministère restauré obtint une majorité de plus de cinquante voix, et ainsi son avenir parut pour longtemps assuré.

Annoncée d’avance par Sallenauve, cette ridicule solution fit le plus grand honneur à sa perspicacité, mais elle fut loin de lui faire des amis.

Toutes les opinions, dans la circonstance, avaient fini par être dupes, et jamais il n’est agréable aux partis que