Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ma vie je l’ai vu, et je ne sais quelle impression de tendresse j’avais ressentie pour lui.

— Eh bien ! les papiers que vous avez contribué à enlever contiennent toute l’histoire de sa filiation ; et maintenant les lâches dont il gêne la politique le menacent de le flétrir par l’ébruitement donné à votre paternité.

— Ah ! cette cassette ! j’avais eu l’instinct de l’ouvrir, s’écria Vautrin en cessant de nier sa participation au crime. Mais, monsieur de Rastignac, ajouta-t-il d’une voix terrible, nous aurons à compter ensemble, et mon fils ne sera pas ainsi jeté aux gémonies.

Bricheteau dit alors en détail tout le contenu du coffret ; il était sûr, aux élans si vrais dont il avait été le témoin, qu’il ne plaçait pas mal sa confidence, et qu’il venait de faire à la cause de Sallenauve un allié dévoué et puissant. Quand ce long récit eut pris fin :

— Monsieur, dit Vautrin, ma vie est à vous quand vous la voudrez, après ce que vous avez fait pour mon enfant ; mais je ne l’ai pas vu, ce plus cher de tous les trésors ; j’ai vu M. de Sallenauve et non le fils de Jacques Collin ; il faut que je le voie. Dans l’intérêt même de la lutte qui va s’engager, j’ai besoin de conférer avec lui, avec vous.

— Le voir, dit Jacques Bricheteau, c’est une autre question plus difficile. Il faut y penser.


II

UN RAPPORT DE POLICE


Malgré les vives instances de Vautrin, Bricheteau ne crut pas devoir lui permettre de l’accompagner à Ville-d’Avray. Il lui fit comprendre que cette subite invasion faite dans la vie et dans la maison de son fils pouvait avoir un fâcheux résultat.

— Laissez-moi préparer les approches, ajouta-t-il ; demain sans faute je vous reverrai et j’aurai, je n’en doute