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correspondance.

Ne me contraignez donc plus à des voyages, à des démarches, à des visites qui me sont impossibles ; n’oubliez pas que je n’ai plus que le temps et le travail pour richesse, et que je n’ai pas de quoi faire face aux dépenses les plus minimes.

Si vous songiez aussi que je tiens toujours forcément la plume, vous n’auriez pas le courage d’exiger des correspondances. Écrire quand on a le cerveau fatigué et l’âme remplie de tourments ! Je ne pourrais que vous affliger, à quoi bon ?… Vous ne comprenez donc pas qu’avant de me mettre au travail, j’ai quelquefois à répondre à sept ou huit lettres d’affaires ?

J’ai encore une quinzaine de jours à passer sur les Chouans ; jusque-là, pas d’Honoré ; autant vaudrait déranger le fondeur pendant la coulée.

Ne me crois aucun tort, chère sœur ; si tu me donnais cette idée, j’en perdrais la cervelle. Si mon père était malade, tu m’avertirais, n’est-ce pas ? Tu sais bien qu’alors aucune considération humaine ne m’empêcherait de me rendre près de lui.

JL faut que je vive, ma sœur, sans jamais rien demander à personne ; il faut que je vive pour travailler, afin de m’acquitter envers tous ! Mes Chouans terminés, je vous les porterai ; mais je ne veux en entendre parler ni en bien ni en mal ; une famille, des amis sont incapables de juger l’auteur.

Merci, cher champion dont la voix généréuse défend mes intentions. Vivrai-je assez pour payer aussi mes dettes de cœur ?…