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correspondance.

xxiii.

à madame laure surville, à versailles.

Paris, 1827
Ma chère Laure,

Ta lettre m’a donné deux détestables jours et deux détestables nuits. Je ruminais ma justification de point en point, comme le mémoire de Mirabeau à son père, et je m’enflammais déjà à ce travail ; mais je renonce à l’écrire. Je n’ai pas le temps, ma sœur, et je ne me sens d’ailleurs aucun tort.

On me reproche l’arrangement de ma chambre ; mais les meubles qui y sont m’appartenaient avant ma catastrophe[1] ! Je n’en ai pas acheté un seul ! Cette tenture de percale bleue qui fait tant crier était dans ma chambre à l’imprimerie. C’est Latouche et moi qui l’avons clouée sur un affreux papier qu’il eût fallu changer. Mes livres sont mes outils, je ne puis les vendre ; le goût, qui met tout chez moi en harmonie, ne s’achète pas (malheureusement pour les riches) ; je tiens, au surplus, si peu à toutes ces choses, que, si l’un de mes créanciers veut me faire mettre secrètement à Sainte-Pélagie, j’y serai plus heureux : ma vie ne me coûtera rien, et je ne serai pas plus prisonnier que le travail ne me tient captif chez moi.

Un port de lettre, un omnibus sont des dépenses que je ne puis me permettre, et je m’abstiens de sortir pour ne pas user d’habits. Ceci est-il clair ?

  1. Il venait de céder, après des pertes considérables, l’imprimerie qu’il avait fondée rue des Marais-Saint-Germain (aujourd’hui rue Visconti).