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correspondance.

Birague, parce que c’est une véritable cochonnerie littéraire, car maintenant le voile est tombé.

Il ne tombe malheureusement qu’après l’impression, et, quant faux corrections, il n’y faut pas songer, elles coûteraient plus que le livre. Tu trouveras dans Jean-Louis quelques plaisanteries assez drôles et des espèces de caractères, mais un plan détestable. Le seul mérite de ces deux romans, ma chère, est le millier de francs qu’ils me rapportent ; mais la somme n’a été réglée qu’en billets à longues échéances. Seront-ils payés ?…

Je commence toutefois à tâter et reconnaître mes forces. Sentir ce que je vaux et sacrifier la fleur de mes idées à de pareilles inepties ! C’est navrant !

Ah ! si j’avais ma pâtée, j’aurais bien vite ma niche, et j’écrirais des livres qui resteraient peut-être !

Mes idées changent tellement, que le faire changerait bientôt !… Encore quelque temps, et il y aura entre le moi d’aujourd’hui et le moi de demain la différence qui existe entre le jeune homme de vingt ans et l’homme de trente ! Je réfléchis, mes idées mûrissent, je reconnais que la nature m’a traité favorablement en me donnant mon cœur et ma tête. Crois-moi, chère sœur, car j’ai besoin d’une croyante, je ne désespère pas d’être un jour quelque chose. Je vois aujourd’hui que Cromwell n’avait pas même le mérite d’être un embryon ; quant à mes romans, ils ne valent pas le diable, et ne sont pas si tentateurs surtout.

Tu m’engages à venir te voir à Bayeux plutôt que d’aller en Touraine : sans doute je le préférerais aussi ; mais il faut d’abord savoir si je voyagerai ; et cela me paraît fort