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correspondance.

c’est bonne maman qui doit l’acheter. Mais, d’un autre côté, [e suis dans la peine parce que je tombe malade, que je tousse à rendre tout ce que contient mon gentil petit corps ; d’autre part, cependant, je suis joyeux, parce que notre roman prochain se vendra mille francs et qu’au lieu de faire quatre-vingt-douze volumes pour douze mille francs, nous n’en ferons plus que quarante-huit. Quoi qu’il en soit, je suis chagrin parce que je suis tellement moulu et que la frégate la Honoré a été tellement secouée dans ce premier voyage, que force lui est d’aller au radoub à Villeparisis…

En effet, chère sœur, je suis malade comme un vieux chien, et il faut ce néanmoins travailler…

Je n’ai pas besoin de te demander si tu tournes : tu dois te démener, ayant une hôtesse qui, du reste, paraît se plaire à Bayeux. Je suis en tout cas bien coupable envers bonne maman, à qui je n’ai pas écrit une seule fois ; aussi je m’en vais lui adresser une demi-feuille pleine de sentiment. Je forme les plus beaux projets du monde ! Le jour où mes romans vaudront deux mille francs, je prendrai épouse sage et fidèle, si faire se peut, et je m’encaquerai dans un joli petit ménage tout neuf et tout verni comme un joujou d’Allemagne. C’est une vérité qu’il faut qu’un auteur soit marié, pour que l’on se mette à la tête de sa fortune, de sa maison,  etc. ; aussi madame de Balzac la jeune sera-t-elle très-heureuse. Je t’en prie, reviens à Paris, parce que, quand j’en serai là, tu auras la complaisance de me la choisir taillée sur ton modèle ; sans cela je n’en veux pas… Ainsi arrange-toi pour trouver ta semblable dans cinq ou huit ans.