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le plus malheureux des malheureux qui vivotent sous cette belle calotte céleste que l’Éternel a brillantée de ses mains puissantes !…

Quels chagrins puis-je avoir ? Hélas ! c’est une triste litanie que l’on ne peut pas entamer un jour de fête. J’attends pour cela le premier jeûne que me dénoncera le calendrier. Plût aux dieux que je ne fusse jamais né !… Alors, dans cette disposition d’esprit, comment veux-tu que je te parle de cette foule de petites babioles qui se font ici ? Quand on se lève, on dit que la journée sera trop courte ; le troubadour vient déjeuner, dîner et faire une cour assidue ; néanmoins, je t’avouerai que je ne découvre dans toutes ses démarches, sourires, paroles, actions, gestes,  etc., rien qui marque l’amour comme je l’entends. Or, je te déclare, en mon âme et conscience, que je ne me marierais jamais à une jeune fille qui ne m’aurait pas inspiré beaucoup d’amour. De tout cela, il résulte dans mon esprit des réflexions très-profondes sur la manière dont on contracte un tel engagement.

Je ne doute pourtant pas que Laurence ne soit heureuse, car elle épouse un aimable homme qui a de l’esprit et un très-heureux caractère ; mais, comme je crois que chacun doit ressentir, dans l’état social comme dans la nature, l’effet unique d’une harmonie unique, je conclus que je veux saisir cette harmonie sympathique pour me marier.

Des présents, des cadeaux, des objets futiles, deux, trois ou quatre mois de cour ne font pas le bonheur ; c’est une fleur solitaire bien difficile à trouver ; et cependant l’on est si malheureux seul, si malheureux en société, si