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ment avec la rapidité de l’éclair,  etc.,  etc., comme bonne maman ! Peut-être est-ce la peur que ma mère ne tombe dans ce travers qui me fait voir ainsi ; en tout cas, je souhaite le contraire pour elle et pour nous. Ce qui me choque le plus, c’est cette susceptibilité maladive que l’on a chez nous. Nous sommes une petite ville à nous quatre ; on s’observe comme Montécuculli et Turenne. Enfin, l’autre jour, je revenais de Paris très-tracassé : je ne pensai pas à remercier maman, qui m’avait fait faire un habit noir ; à mon âge, on n’est plus guère sensible à un pareil cadeau ; cependant, il ne m’eût pas coûté grand’chose de paraître touché de l’attention, d’autant plus que c’était un sacrifice, mais j’oubliai ce que j’aurais dû faire… Maman me bouda ! et tu sais ce que c’est que son air et son visage dans ces moments-là ! Je tombais des nues et cherchais en ma tête ce que j’avais fait. Heureusement Laurence vint m’avertir, et deux ou trois paroles fines comme l’ambre raccommodèrent le visage de maman. C’est là un rien, une goutte d’eau, mais c’est pour te donner un exemple de nos manières. Ah ! nous sommes de fiers originaux dans notre sainte famille. Quel dommage que je ne puisse nous mettre en romans !

J’espère que cela te reportera au milieu de nous mieux que toutes les descriptions du monde. Hélas ! comment se fait-il que l’on n’ait pas dans la vie un peu d’indulgence, que l’on cherche en toute chose ce qu’il peut y avoir de blessant ? Personne ne veut vivre à cette bonne flanquette, comme papa, toi et moi nous vivrions ; je crois que Surville en serait aussi. Rien ne me fâche comme ces gens à grandes démonstrations qui vous étouffent pour vous