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correspondance.

toi, fais voyager ta brillante imagination, occupe-la, dresse des plans, figure-toi que tu as le cheval d’Astolphe, monte dessus, et pars pour Villeparisis ; tu seras tranquille et contente, au moins pendant le chemin. Ne nous écris plus de ces choses tristes, car ça me donne l’envie de prendre mes jambes à mon cou, et d’aller à Bayeux coller tes armoires, voir ton installation, tes parquets, tes lampes, et peut-être même madame Surville !…

N’as-tu pas ton piano à perfectionner ? la musique n’a-t-elle pas l’heureux don de calmer l’âme, d’y jeter un baume rafraichissant et de faire diversion aux peines de la vie ? Tu as le chagrin d’être séparée de ta famille ? N’avons-nous pas celui de ne plus te voir parmi nous, rire, sauter, jouer, disputer, jacasser ? N’ai-je pas celui (car toujours moi !) d’avoir vingt-deux ans et d’être sans indépendance, ni sort ni place, avalant des goujons, des bouillons,  etc., etc. ?

Heureusement que, depuis quinze jours, j’ai eu l’idée de me faire assurer cent mille écus à prendre sur le public ; et je vais les recevoir en détail contre quelques romans dont j’aurai bon débit à Bayéux !

À propos de Bayeux, pourrais-tu m’expliquer pourquoi la rue où tu demeures s’appelle rue Teinture ? Ça ne n’est pas encore entré dans la tête. Je te dirai, de plus, que je n’aime point à te voir aller au marché, Est-ce une raison parce qu’on est simple à Bayeux pour le devenir toi-même ? C’est bien assez de te conformer aux choses indispensables, comme de respirer l’air, boite le cidre, manger le pain bayeusois !… Vas-tu pas aller aussi tous les jours à la messe ?… Oh ! le bon pays à exploiter que ce Bayeux tout