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correspondance.

xii.

à la même.

Villeparisis, juin 1820.
Chère sœur,

Je reviens de Paris et n’ai pu lire ta lettre qu’aujourd’hui ; elle m’a fait grand plaisir, et je quitte, tout exprès pour te répondre et causer avec toi, la correction du premier volume d’un roman dont un exemplaire vous sera transmis à Bayeux, si nous, pauvre hère, le plaçons avec avantage.

Maman, se trouvant plus malade, s’est embarquée hier pour Paris afin de se faire soigner. Cependant, nous venons de recevoir une lettre qui nous dit qu’elle se porte mieux, et qu’elle a bien soutenu la route. Je dis nous, parce que je suis à Villeparisis avec papa.

Ce que tu me dis de ton chagrin m’étonne ; je te croyais plus philosophe que cela ! Comment, sœur, ignores-tu que le chagrin n’avance à rien, ne sert à rien ? quand tu t’affligerais cent fois davantage, ces cent et une doses de mélancolie ôteraient-elles une seule borne à la route de Bayeux à Paris abrégeraient-elles ces soixante-et-dix lieues que je maudis, non parce qu’elles sont soixante-et-dix, mais parce qu’elles nous séparent ? Autant je te blâmerais de nous oublier, — car nous sommes éminemment aimables ! — autant je te blâme quand je te vois si triste d’être séparée de nous, parce qu’en un mot comme en cent, cette coquine de mélancolie ne nous rendra pas présents. Oh ! que Roger Bontemps fut un grand homme et un honnête citoyen ! suis ses préceptes, chère sœur : égaye : toi, console-