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correspondance.

Tu ne sais pas, j’ai un véritable remords de conscience que nous ayons mis M. de Villers[1], qui m’aime tant, en dehors de notre secret. Je ne connais personne auprès de qui il puisse nous trahir, et je crois d’ailleurs à toute sa discrétion. J’ai songé qu’après l’hiver laborieux que je vais passer, quelques jours de campagne me seront bien nécessaires… — « Non, maman, ce n’est pas pour fuir ma bonne vache enragée ; j’aime ma vache ! Mais quelqu’un, près de vous, vous dira que l’exercice et le grand air sont bien utiles à la santé de l’homme ! Or, puisque Honoré ne peut se montrer chez son père, pourquoi n’irait-il pas chez le bon M. de Villers, qui l’aime jusqu’à soutenir le rebelle ?… Une idée, mère : si vous lui écriviez pour arranger ce voyage ? Allons, c’est comme si c’était fait, vous avez beau prendre votre air sévère, on sait que vous êtes bonne au fond, et l’on ne vous craint qu’à demi ! »

Tu voulais une longue lettre : j’espère que celle-là doit compter. Je ne suis pas avare de bêtises avec vous, et vous, en revanche, vous me privez de votre charmante conversation. Fil que c’est vilain, mesdames, quand il existe un Godard !

Ah çà ! tu sauras encore que je suis quelquefois bousard envers moi-même, et que je fais ma lippe. Ma bonne maman n’est pas là pour le dire, mais je suis dupe de moi-même, tantôt gai, tantôt rêvassant. Je suis trop inégal, il faudra que je me défasse de ma compagnie.

J’ai fait en bas un boston, et un boston à piccolo encore,

  1. L’abbé de Villers, ami de la famille Balzac, vivait retiré à Nogent, petit village situé près de l’Isle-Adam (Seine-et-Oise).