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correspondance.


Samedi, 10 heures du matin.

Comme tu veux bien t’intéresser à moi, je te dirai que j’ai parfaitement dormi. Comment cela aurait-il été autrement ! je pensais à toi, à maman, à mes amours, à mes espérances, et, en me réveillant, je te donne ma première pensée.

À propos, la lettre de Laurence était très-gentille, mieux que la tienne ; ce n’est pas étonnant : elle s’est bu su et, toi, tu as écrit ta conversation.

Laure, je crois que je ferai la folie d’aller voir Cinna en loge grillée[1]. Cette idée me possède depuis que Talma joue Auguste, Lafon Cinna, mademoiselle Duchesnois Émilie, et Michelot Maxime. Je finirai par céder… Mon estomac en tremble[2] !… Ce qui pourrait m’entraîner, c’est que je n’ai pas encore vu jouer de pièces de Corneille, notre général ! et j’ignore absolument la manière dont on dit ses vers, qui sont plus rudement faits qui ceux de Racine. Mais j’aurais perdu la tête ; ainsi je n’irai pas…

Les nouvelles de mon ménage sont désastreuses : les travaux nuisent à la propreté, Ce coquin de Moi-Même se néglige de plus en plus. Il ne descend que tous les trois ou quatre jours pour les achats, va chez les marchands les plus voisins et les plus mal approvisionnés du quartier ; les autres sont trop loin, et le garçon économise ses pas ; de sorte que ton frère (destiné à tant de célébrité !) est déjà

  1. On comprend qu’il parlait de loge grillée, parce qu’il était censé à Alby, et qu’on ne devait pas le rencontrer à Paris.
  2. Il avait une très-mince pension et ne pouvait se permettre à un plaisir qu’au prix de toute sorte de privations.