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correspondance.

elle sait le nom des grands hommes anciens et modernes, qu’elle ne fricasse pas Annibal avec César, qu’elle ne prend pas le Trasimène pour un général et Pharsale pour une dame romaine. Lis Plutarque et deux ou trois livres de ce calibre-là, et tu seras calée pour toute ta vie, sans déroger à ton titre charmant de femme. Veux-tu donc devenir une savante ? Fi !… fi !…

J’ai fait cette nuit un rêve délicieux : je lisais le Tacite que tu m’avais envoyé !

Tu me parles de Marie Stuart[1] ; bene ! Je désire que cela réussisse. Le sujet de cette tragédie est assez éloigné pour être mis sur la scène ; espérons que l’auteur luttera avec succès contre les difficultés des sujets modernes, qui ne sont jamais aussi favorables à la poésie que les sujets antiques. Ajoute à cela la difficulté de rendre un moderne intéressant ! nos hommes d’État sont tous les mêmes ; les crimes diplomatiques prêtent peu au théâtre. Excepté deux ou trois grandes catastrophes comme celles de Charles ier, de Louis xvi, etc., il n’y a rien. Les tragédies d’imagination sont horriblement difficiles, il faut tout créer ; le spectateur est neuf sur tout. Voltaire (à peu près le seul qui ait réussi dans ce genre) n’a pu faire accepter que Zaïre et Alzire, et encore ! — Passons.

Que tu apprennes Guéroult, Lhomond, le diable, c’est indifférent pour ton latin (j’aimerais mieux Lhomond) : il suffit, pour le moment, que tu connaisses les cinq déclinaisons, les adjectifs, les verbes, les irrégularités ; et,

  1. La tragédie de Pierre Lebrun, qui était alors en à répétition au Théâtre Français.