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correspondance.

fait du tout ; j’ai mis mon champ en jachère. En récompense, voici trois nuits que je passe, et je me suis rembureauté.

Hier dimanche, j’ai dîné chez ma propriétaire, ousque j’ai joué aux petits jeux innocents ; ils ont été, je t’assure, très-innocents, attendu la stupidité bétifiante de presque tous les membres de l’honorable compagnie. Les amours vont bien : Zaïre commence à écrire lisiblement ; mais jamais je ne ferai rien d’elle pour la littérature.

L’infâme petit père n’est pas encore venu ! La chaise a encore été placée pour rien ! n’est-ce pas abominable ? Mais je lui pardonne, je ne suis pas chrétien pour des prunes.

Travailles-tu toujours ton piano ? Vous saurez, mademoiselle, qu’on économise pour en avoir un ici. Quand, mère et toi, vous viendrez me voir, vous le trouverez installé. J’ai pris mes mesures ; en reculant les murs, il tiendra, et, si ma propriétaire ne veut pas entendre à cette petite dépense, je l’ajouterai à l’acquisition du piano, et le Songe de Rousseau[1] retentira dans ma mansarde, où le besoin de songes se fait généralement sentir.

Laure ! ô ma chère Laure que j’aime ! Comment se fait-il que l’on ne puisse pas décrocher le Tacite de papa ? Songe que je m’en remets à toi qui es fine comme l’ambre, pour l’escofier au profit de ton frère ; car encore si on s’en servait ! mais c’est comme un diamant dans une châsse : vous ne faites que le voir. Il me le faut absolument. Mon père n’en a pas besoin, maintenant qu’il est dans la Chine ou dans la Bible. Rien ne doit être plus facile que de trouver

  1. Morceau de Cramer, fort en vogue alors.