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correspondance.

S’ils caressent leur tante et l’enfument d’encens,
Rappelle-toi, ma sœur, qu’ils viennent de Garonne,
Et que leur chère mère est de race gasconne !


Je me suis définitivement arrêté au sujet de Cromwell, et je l’ai choisi parce qu’il est le plus beau de l’histoire moderne, Depuis que j’ai soulevé et pesé ce sujet, je m’y suis jeté à corps perdu. Les idées m’accablent, mais je suis sans cesse arrêté par mon peu de génie pour la versification. Je me mangerai plus d’une fois les ongles avant d’avoir achevé mon premier monument. Si tu connaissais les difficultés de pareilles œuvres ! Le grand Racine a passé deux ans à polir Phèdre, le désespoir des poètes. Deux ans !… deux ans !… y penses-tu ?… deux ans !…

Mais qu’il m’est doux, en me consumant nuit et jour, d’associer mes travaux aux personnes qui me sont chères ! Ah ! sœur, si le Ciel m’a doué de quelque talent, ma plus grande joie sera de voir ma gloire rejaillir sur vous tous ! Quel bonheur de vaincre l’oubli, d’illustrer encore le nom de Balzac ! À ces pensées, mon sang bouillonne ! Lorsque je tiens une belle idée, il me semble entendre ta voix qui me dit : « Allons, courage ! »

J’ai décidément abandonné mon opéra-comique. Je ne puis trouver un compositeur dans mon trou ; je ne dois pas, d’ailleurs, écrire pour le goût actuel, mais faire comme ont fait les Racine et les Corneille, travailler comme eux pour la postérité !… Le second acte, au surplus, était faible, et le premier trop brillant de musique. Et, réfléchir pour réfléchir, j’aime mieux réfléchir sur Cromwell. Mais il entre ordinairement deux mille vers dans une tragédie, juge que de réflexions !… Plains-moi. Que dis-je ! Non, ne me