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correspondance.

sont de ces heures-là que je voudrais vous consacrer, si vous le permettez. Vous êtes heureuse, madame, de pouvoir embellir votre solitude par de la poésie sans travail ; moi, je la remplis par le travail sans la poésie. J’espère devenir meilleur auprès de vous, et je suis persuadé que je ne puis que gagner dans le commerce d’une âme aussi noble, aussi bien douée que l’est la vôtre.

Donc, à bientôt, madame, et qu’il me soit permis de déposer ici un hommage aussi amical que respectueux.

lxi.

à madame émile de girardin[1], à paris.

Paris, 1832.
Ma chère écolière,

Ne vous moquez pas de votre pauvre maître, qui ne sait rien que par théorie. Il a dit, dans je ne me rappelle plus quel conte drolatique, qu’un quintal de mélancolie ne payait pas une once de frippe ; eh bien, les milliers de quintaux de plaisir qu’on peut récolter dans le monde ne payent pas les billets de la fin du mois.

Ergo, le maître est esclave, et, comme il n’attend rien que de lui, le pauvre maître travaille, et il est toujours couché à six heures, au moment où vous allumez la vie, les bougies de votre élégante cage ; où vous faites briller, de plus, votre esprit ; où la poésie brûle et scintille ; puis il se lève à minuit et demi, pour travailler douze

  1. Albert Savarus lui est dédié.