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correspondance.

mon œuvre avec courage et persévérance, voilà tout. La Peau de chagrin devait formuler le siècle actuel, notre vie, notre égoïsme ; les reproductions de nos types ont été méconnues ; mais ma consolation à moi, madame, est dans les approbations sincères qui me sont données, dans les critiques faites comme l’est la vôtre, amicalement et de bonne foi ; aussi ne croyez pas que votre lettre, pleine de touchantes élégies naturelles à un cœur de femme, me soit indifférente ; ces sympathies excitées au loin sont un trésor, — toute ma fortune ; ce sont mes plaisirs les plus purs, et peut-être le sentiment que vous m’avez fait éprouver eût-il été plus vif si, au lieu de voir dans mon livre la peinture obligée d’une femme célèbre pour n’avoir pas aimé, vous vous fussiez attachée à celle qui consacre les beaux dévouements de la femme, son amour naïf et les riches poésies de son cœur. Pour moi, Pauline existe, et plus belle même. Si j’en ai fait une illusion, ce fut pour ne rendre personne maître de mon secret.

Pardonnez-moi, madame, d’essayer à me rétablir dans votre estime, mais vous m’avez mis dans une position fausse et mal séante ; vous vous êtes fait une idée de moi par mes livres… Et de vous, que possédé-je ? une lettre, un acte d’accusation ! — Vous vous êtes constituée mon juge, je ne pouvais vous répondre que par un plaidoyer. Mais, quoi que vous en pensiez, laissez-moi croire que, plus tard, nous correspondrons à propos d’une composition où je saurai, pour mon honneur, faire vibrer dans votre âme les cordes que j’ai laissées muettes ; ce sera pour moi le plus grand, le plus précieux de tous les triomphes,