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correspondance.

un forçat, vous n’emporterez pas un sujet, pour me rendre au bout de six mois une feuille de papier blanc, et j’aurai les moyens de vous rudement fouetter, da !… car je veux que vous soyez riche malgré vous. Le moyen serait sûr et il m’en coûterait, mais j’en userai.

Ce sera, après le terme fixé pour qu’un travail soit fait, de passer le drame à un autre, et de vous en tailler un nouveau ; puis, quand vous aurez épuisé le peu de conception que j’ai dans le ventricule droit ou gauche de mon cerveau, dans cette petite fraction de mie de pain et de lait nommée cervelle, je vous souhaite le bonjour.

Votre rival est trouvé ; c’est un honnête jeune homme, pauvre et malheureux comme vous et moi, ayant soif et faim comme moi et vous, plein de courage comme moi et non comme vous, qui êtes un véritable Indien sur sa natte.

Enfin, mon bon ami, je vous demanderai beaucoup d’indulgence pour mes façons despotiques et ma sincérité. Vous savez si je rejette facilement ce qu’un ami trouve mauvais !… Ainsi croyez que, si le hasard me faisait tenir à une erreur, je le reconnaîtrais le lendemain. Bref, je m’instituerai le démolisseur de ce que vous ferez, et je monterai sur vos épaules pour voir plus loin. Ne croyez pas que je ne sente pas comme vous ce qu’il y a de ridicule à un pareil marché ; mais, quand vous y trouverez un mécompte d’argent, vous le cesserez, et je ne vous cache pas que, si votre idée est meilleure, elle dominera, puisque nos travaux ne doivent avoir pour but que notre bien-être pécuniaire, et qu’ici il s’agit plus de chaircuiterie littéraire que de réputation. Si nous avons le bonheur de