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correspondance.

XLII.

à m. victor ratier, à paris.

Nemours, mai 1831.
Mon cher Ratier,

Je suis assez en train sur cette terrible Peau de chagrin, que je voudrais, au rebours du héros, voir diminuer, et j’espère en être quitte à la fin du mois. Je vous ai promis de vous écrire et je tiens parole, mieux que vous qui ne me répondrez pas un traître mot et qui irez téter le bout de votre canne dans les foyers de théâtre en délaissant un pauvre ami qui se tue à travailler.

Quand vous venez me voir, — car je reconnais en toute humilité que je suis bien en retard avec vous sur les visites, — nous mettons nos imaginations tellement au galop, que nous n’avons pas un moment pour parler raison, et alors nous vagabonnons (je trouve l’irrégularité plus élégante) ; si bien que du diable si les chiffres de la vie nous apparaissent ; or, je veux vous parler raison. C’est un diable qui en prêche un autre, n’importe ! Mon judicieux ami, à mon retour, je ne demande pas mieux, toute spéculation à part, que de travailler avec vous pour le théâtre, en vous laissant tout l’honneur de nos compositions androgynes, de nous donner l’un à l’autre à tour de rôle la canne de l’argousin pour frapper sur le torse du fainéant. Mais, mon bon Ratier, voilà la Raison qui va s’avancer, raide, vieille fille et impérieuse !… mais c’est à une condition : vous travaillerez, vous travaillerez comme