Dès que je suis éveillé, je sonne Moi-Même, et il fait mon lit. Il se met à balayer et n’est guère adroit dans cet exercice.
— Moi-même !
— Plaît-il, monsieur ?
— Regardez donc cette toile d’araignée où cette grosse mouche pousse des cris à m’étourdir ! ces moutons qui se promènent sous le lit ! cette poussière sur les vitres qui m’aveugle !
— Mais, monsieur, je ne vois pas…
— Allons, taisez-vous, raisonneur !
Et il se tait.
Il bat mes habits, balaye en chantant, chante en balayant, rit en causant, cause en riant. Au total, c’est un bon garçon. Il a mis mon linge en ordre dans l’armoire à côté de la cheminée, après l’avoir bien collée en papier blanc ; avec six sous de papier bleu et de la bordure qu’on lui a donnée, il m’a fait un paravent. Il a peint en blanc la chambre, depuis la bibliothèque jusqu’à la cheminée. Quand il ne sera pas content, — ce qui n’est pas encore arrivé. — je l’enverrai à Villeparisis[1] chercher du fruit, ou bien à Alby[2] voir comment va mon cousin.
Assez parlé de mon domestique ; parlons du maître, le maître qui est Moi.
J’ai fait, ma chère sœur, dorer la cage du moineau le
- ↑ Village où s’était retirée toute la famille Balzac.
- ↑ Lorsque le jeune Honoré vint tenter la fortune littéraire à Paris, en était convenu, chez son père, de dire aux amis de la famille qu’il était allé passer quelque temps à Alby, près d’un cousin, de manière que sa tentative restât ignorée en cas d’insuccès.