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correspondance.

aisément le but, et, si vous frappez fort, vous pourriez bien ne pas frapper juste. Quand les Bourbons revinrent, on renversa la statue de Napoléon ; ce fut un acte malheureux à mon sens ; mais, aujourd’hui que seize ans ont passé sur cet événement, est-ce une raison pour oublier tout ce que Louis xviii fit dès le premier jour pour arrêter les dévastations des soldats des puissances étrangères, ses alliées, qui restauraient son trône ?… Je ne le crois pas. La haine ne devait pas remonter si haut. La justice veut qu’on flétrisse ces hommes qui se montrèrent plus royalistes que le roi, et qui, dans leur zèle insensé, compromirent de tout leur pouvoir la dignité royale.

Pour ma part, je méprise souverainement ces hommes. On les rencontre à la queue de tous les partis et aucune infamie ne les arrête ; ils feraient détester la meilleure des causes et haïr le plus juste des hommes. Réservez vos foudroyants anathèmes pour ces êtres vils, monsieur, et tous les gens de cœur applaudiront aux coups de fouet de votre Némésis vengeresse. Vous pourrez bien rester encore l’organe d’un parti, mais ce parti sera grossi de tous les honnêtes gens.

C’est vraiment dommage, monsieur, qu’une poésie aussi vigoureuse que la vôtre s’égare de la sorte. Ne soyez pas étonné de la franchise de ma parole. Vos stigmates sont durs à subir et à supporter, et, nonobstant mes opinions bien arrêtées, je sais admirer et louer en dehors d’elles.

Otez de voire livraison de dimanche dernier quelques vers d’une rudesse et d’une brutalité offensante et injuste, et vos vers, sans rien perdre de leur énergie et de leur chaleur, prennent un caractère monumental tout à fait