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correspondance.

de convocation pour assister à une assemblée d’actionnaires pour une affaire dans laquelle je représente un intérêt appartenant à ma mère. C’est une des propriétés que je lui ai cédées, faible à-compte sur les sommes qu’elle a sacrifiées pour me conserver un nom intact. J’aurais mauvaise grâce à ne pas tout remettre quand il s’agit d’elle. Ce serait de l’ingratitude.

Puis, en ce moment, obligé, pour vivre et pour soutenir même quelques amis encore plus malheureux que moi, de faire des efforts inouïs, je travaille nuit et jour, ne dormant que deux heures à peine. Or, j’ai à revoir samedi un long article pour la Revue de Paris, et à faire la Mode, avec laquelle je suis en retard. Pardonnez-moi donc, avec votre bonté habituelle, de remettre ainsi le plaisir de vous voir. Il faut que ce soit bien impérieux, ce besoin du moment, car nous allions, M. Borget et moi, pour vous consulter sur notre affaire et tâcher de vous y conquérir. Mais, si cela peut vous agréer, nous viendrons sûrement un jour de la semaine prochaine.

Notre pays, madame, entre dans des circonstances bien graves. Je suis effrayé de la lutte qui se prépare. Cette fois (c’est entre nous deux que je parle), je vois de la passion partout et de la raison nulle part. Si la France lutte, je ne serai pas de ceux qui lui refuseront leurs bras et leurs talents, quoi qu’en puissent dire quelques amis. Et c’est alors que la science, dont nous avons porté si loin les ressources, et le courage pourront aider la France à triompher. Mais où sera le dénoûment, et pouvons-nous être les maîtres de la révolte des intérêts froissés qui sont au dedans du corps politique ? Ah ! madame, le nombre de