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correspondance.

sion soit faussé, que nous ayons là une colonie et que nous rendions à la civilisation ces beaux pays !

Vous m’avez parlé de vous, je vous ai parlé de moi ; voilà comment j’entends les lettres et l’amitié. Seulement, vous ne m’avez pas dit ce que vous faisiez.

Sacredieu ! mon bon ami, je crois que la littérature est, par le temps qui court, un métier de fille des rues qui se prostitue pour cent sous : cela ne mène à rien, et j’ai des démangeaisons d’allée vaguer, chercher, me faire drame vivant, risquer ma vie ; car, pour quelques misérables années de plus ou de moins !… Oh ! quand on voit ces beaux cieux, par une belle nuit, on est prêt à se déboutonner pour pisser sur la tête de toutes les royautés. Depuis que je vois ici les splendeurs véritables, comme un beau et bon fruit, un insecte d’or, je prends des allures bien philosophiques, et c’est surtout en mettait le pied sur une fourmilière que je dis comme cet immortel Bonaparte : « Ça, ou des hommes !… qu’est-ce devant Saturne ou Vénus, ou l’étoile polaire ? » Et mon philosophe vient achever des pointes pour un journal. Proh pudor ! Et il me semble que l’Océan, un brick et un vaisseau anglais à démolir, quitte à s’engloutir, c’est quelque chose de mieux qu’une écritoire, une plume et la rue Saint-Denis.

Adieu, mon cher Ratier ; puisque nous avons ou croyons avoir deux cœurs bien palpitants, donnons-nous une poignée de main.

Mes respects à madame Ratier.


Ah ! j’ai bien du regret de n’avoir pas avec moi un camarade qui puisse développer tous les textes que je