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correspondance.

deux mois en Belgique, je ne sais où, rafraichirait ma cervelle embrasée, fatiguée, me rendrait des forces au retour, et je n’ai ni l’argent ni le temps nécessaires pour l’accomplir. Voilà cinq ans que je n’ai voyagé, et le voyage est ma seule distraction. Je prévois donc pour moi la plus sinistre destinée : ce sera de mourir la veille du jour où tout ce que je désire m’arrivera. C’est pour cela que, vous, ma mère et madame Delannoy, je voudrais vous mettre à l’abri d’une perte, car vous êtes privilégiés dans mes intentions ; M. Gavault[1] l’est par la nature des services qu’il me rend avec un dévouement qui m’endette de cœur comme avec vous et avec madame Delannoy.

J’attends bien certainement des jours heureux qui ne peuvent me faillir que par la mort ; aussi mon épuisement, combiné avec la nécessité du travail, m’effraye-t-il, et serais-je plus calme en voyant mes vrais amis garantis contre un événement qui ne serait triste que pour eux.

Mille amitiés.

xxxvi.

à m. victor ratier, directeur de la silhouette, à paris.

La Grenadière, 21 juillet 1830.
Mon cher Ratier,

Figurez-vous d’abord qu’il m’a semblé, en voyant votre lettre, vous apercevoir entr’ouvrant la porte de mon

  1. M. P.-S. Gavault, avoué à Paris. — Les Paysans lui sont dédiés.