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correspondance.

horreur, et tout ce qui a couleur d’idée me donne le frisson, de sorte que c’était un peu à vous de m’écrire.

Quoi qu’il en soit, j’irai vous voir cette semaine, afin de vous porter les Scènes de la Vie privée, qui ont paru hier. J’ai à vous remercier de vous être abonnée au Feuilleton[1] ; mais je comptais aller vous voir tous les jours et vous dire que c’était un abonnement de faveur, une offrande comme celle d’un livre ; seulement, vous savez ce qu’est Paris, un monceau de sable comme ceux qui roulent dans la Loire : une fois qu’on y met le pied, on y reste. Hier, c’était une affaire à conclure ; demain, ce sera une délicieuse soirée où l’on entendra la Malibran ; ce matin, c’est un déjeuner de garçons ; le soir, un travail urgent. Et le gouffre dévore une vie qui, passée dans la solitude, serait pleine ou glorieuse.

Cependant, ne croyez pas que je sois si dissipé. J’ai travaillé horriblement et mes débauches sont des volumes. En juin, j’espère vous offrir les Trois Cardinaux[2], œuvre qui peut-être ne sera pas indigne d’attention.

Si j’en ai le loisir, je viendrai de bonne heure, et, si je n’écoutais mon plaisir, je resterais à ce Saint-Cyr que vous trouvez si triste.

Agréez, madame, les hommages d’une sincère et respectueuse amitié.

Mille compliments à M. Carraud et au capitaine Periollas.

  1. Le Feuilleton des journaux politiques.
  2. Balzac n’a jamais écrit cet ouvrage. Il s’agissait de mettre en scène le Père Joseph, dit l’Éminence grise, Mazarin et Dubois.