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correspondance.

heures à deux) aux Scènes de la Vie privée, dont je n’ai qu’à corriger les épreuves ; et ma consciente est nette.

Je suis tout prêt à envoyer la copie nécessaire pour terminer le 15, si vous voulez ; mais ce serait l’assassinat le plus odieux que nous eussions, vous, Canel et moi, commis sur un livre !

Il y a en moi je ne sais quoi qui m’empêche de faire consciencieusement mal. Il s’agit de donner de l’avenir au livre, d’en faire un torche-cul ou un ouvrage de bibliothèque ; il s’agit de vendre ce papier noirci sept francs la rame, où cinquante francs.

Si, comme les Nodier, — car le Nodier est un sous-genre dans l’histoire naturelle de la littérature, — je flânais, je faisais des prospectus, des vieux souliers, des parties de billard ; si je buvais, mangeais, etc. !… Mais je n’ai pas une idée, je ne fais pas un pas qui ne soit la Physiologie ; j’en rêve, je ne fais que cela, j’en suis féru ! Je comprends toute votre impatience commerciale, car la mienne est décuple.

J’ai la copie sur mon bureau ; mais je suis arrêté par une histoire à raconter, par des idées à trouver, par… Il y en aurait jusqu’à demain à dire par quoi l’auteur de cet ouvrage-là est entre un succès et l’échafaud, à chaque ligne. Je n’en ai jamais si bien compris l’importance. Je voulais faire une plaisanterie, et vous m’êtes venu demander, un matin, de faire en trois mois ce que Brillat-Savarin avait mis dix ans à faire. Il ne parlait que de godailleries ; et moi, je parle de ce qu’il y a de plus sérieux en France. Il avait un sujet neuf ; et moi, j’ai le sujet le plus usé.

Il y a un miracle dont je me vanterai : c’est que le