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réflexions que m’ont suggérées toutes les bizarreries nées de la sensibilité développée de tant de manières, j’ai formé pour moi cet axiome que « la femme n’est jamais si touchante et si belle que lorsqu’elle renonce à tout empire et s’humilie toujours devant un maître ». C’est vous dire que Bianca Capello, Isidora et Mademoiselle sont mes héroïnes.

N’allez pas croire que ce soit par fatuité et je ne sais quel sentiment que vous supposez toujours aux hommes ; je parle en ce moment comme un artiste, comme un sculpteur qui prétendrait que les nus sont plus beaux que les draperies ; car je vous avouerai, entre nous, que Bianca Capello, Belvidera et toutes ces femmes qui se prosternent dans une obéissance perpétuelle et guettent les sourires, les regards, les désirs, comme les fleurs attendent la rosée, celles-là exercent sur nous l’empire le plus despotique et le plus entier qui jamais ait pressé le cœur sous un seul sentiment, unique, impérissable.

L’autre caractère a cet attrait incontestable qu’il flatte sans cesse l’amour-propre de l’homme. Quelle satisfaction pour l’homme qui règne sur un cœur indompté par les autres ! Voir une fière et terrible créature qui foule aux pieds toute la terre, domine tout ce qui à vie, et régner sur elle ! C’est le roi qui s’assied sur un trône, c’est la jouissance enfin des maîtresses de Jupiter, qui riaient avec ses sourcils devant lesquels tremblait le globe : et Henri iii certes ne méritait guère l’amour de cette héroïne de son temps qui, fière et sauvage, foulait aux pieds de ses chevaux les seigneurs qui avaient osé dire un mot sardonique sur elle.

Après ces explications, je crois, madame, que vous