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correspondance.

à madame la duchesse d’abrantès, à versailles.

Paris, 1820.


Madame,

Il serait bien désagréable pour moi de me présenter devant vous chargé de quelque iniquité. Je pourrais, quant à la force et à la sensibilité, me rejeter, comme les orateurs de la Chambre, sur la chaleur de l’improvisation, car ma réponse vous fut écrite à la hâte et avec une plume d’auberge, impatient que j’étais de vous détromper.

Sans vouloir non plus, comme les commentateurs, trouver autre chose que ce qui est écrit au texte, il serait facile de vous répondre que, de ce que la force étouffe la sensibilité, il n’y a pas lieu d’induire que la sensibilité n’existe pas, et vous m’avez répondu comme si je vous eusse dit : « Vous n’êtes pas sensible ; » ce qui est la plus forte injure que l’on puisse faire à une femme ; n’est-ce pas la dépouiller, d’un mot, de tout ce qui constitue la femme, puisque vous n’êtes, ne vivez, ne plaisez, n’attrayez que par la sensibilité ?

Permettez-moi une comparaison qui vous rendra mon idée inoffensive et claire. Voltaire avait prodigieusement d’esprit, il avait du génie ; mais, dans la masse totale du caractère, la dose d’esprit était plus forte que celle du génie, tandis que, d’un autre côté, il n’y avait presque pas d’esprit chez Rousseau, et beaucoup de génie.

Maintenant, raisonnant en thèse générale, je vous dirai