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correspondance.

lettres, et, chaque fois que je prenais une nouvelle allumette, les deux chiens que vous avez mis autour de mon joli petit meuble aboyaient après moi. C’est pour la centième fois.

Non, M. Honoré n’est pas un étourdi ; mais, depuis un mois, il est obligé d’achever en hâte un ouvrage auquel il ne met pas son nom ; car les artistes font des tableaux pour vivre qu’ils ne signent pas, et des tableaux qu’ils exposent au Salon pour se faire un nom. J’en suis là.

Vous aurez un écran ! j’ai contracté cette dette avec trop de plaisir pour que ce ne soit pas un plaisir pour moi que de m’en acquitter. D’ailleurs, si vous mettez votre porte-allumettes et votre écran à Frapesle[1] parmi tous les jolis meubles que vous y portez, il y a là une amorce d’amitié à laquelle je ne saurais résister. Être un souvenir pour une belle âme est une de mes plus chères illusions.

Je suis en procès pour avoir des exemplaires de mon livre, et, tant que l’affaire ne sera pas jugée, je suis privé de vous l’envoyer, car je ne rougis pas de vous avouer que je ne suis pas assez riche pour l’acheter.

Rappelez au souvenir de M. Carraud un auteur qui devient de jour en jour plus soucieux et plus misanthrope, mais qui se souvient parfois qu’il oubliait ses peines à Saint-Cyr.

Présentez mes amitiés à M. Périollas[2], et prenez pour vous, madame, tout ce qu’on peut offrir de plus doux et de plus sincère dans un compliment.

  1. Nom d’une campagne que M. Carraud possédait, près d’Issoudun.
  2. Alors capitaine, sous-directeur des études à Saint-Cyr ; plus tard chef d’escadron d’artillerie. — Pierre Grassou lui ost dédié.