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LE PÉCHÉ VÉNIEL.

Lors le bonhomme, griefvement fasché de la voir languissante, voulut chasser des pensées qui estoyent principe d’amour ultra-conjugal.

— D’où vient votre soulcy, ma mye ? dit-il.

— De honte.

— Qui doncques vous affronte ?

— De n’estre point femme de bien, pour ce que ie suis sans ung enfant, et vous sans lignaige ! Est-on dame sans progéniture ? Nenny ! Voyez !… Toutes mes voisines en ont ; et ie me suis mariée pour en avoir, comme vous pour m’en donner. Les seigneurs de Touraine sont tous amplement fournys d’enfans ; et leurs femmes leur en font par pottées ; vous seul n’en avez point ! On en rira, dà ! Que deviendra vostre nom ? et vos fiefs, et vos seigneuries ? Ung enfant est nostre compaignie naturelle ; c’est nostre ioye à nous de le fagotter, embobeliner, empacqueter, vestir et devestir, amittonner, dodiner, bercer, lever, couchier, nourrir ; et ie sens que si en avoys seulement la moitié d’ung, ie le baiseroys, esmunderoys, emmailloteroys, désharnacheroys, et le feroys saulter et rire, tout le iour, comme font les dames.

— N’estoyt que, en les pondant, femmes meurent, et que, pour ce, vous estes encore trop mince et trop bien close, vous seriez désià mère !… respondit le senneschal, estourdy de ce iect de pa-