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LA BELLE IMPÉRIA MARIÉE.

légierement mouvoir au déduict, pour que ce péché n’advinst plus, madame de l’Isle-Adam ne conceut point, et cheut en grant mélancholie. Puis, elle commença ià d’observer combien estoyt songeur pair momens l’Isle-Adam, que elle espia lorsque il cuydoyt n’estre point veu et qui plouroyt de ne avoir aulcun fruict de son amour. Bientost les deux espoux meslèrent leurs pleurs, veu que tout estoyt commun en ce beau mariaige, et que, ne se laissant point, force estoyt que le pensier de l’ung feust le pensier de l’aultre. Quand Madame voyoyt l’enfant d’ung paouvre, elle se mouroyt de douleur et en avoyt pour ung iour à se reconforter. Voyant ceste grant poine, l’Isle-Adam ordonna que tous enfans se tinssent esloingnez de sa femme, et luy dit les plus doulces paroles, comme que les enfans souvent tornoyent à mal ; à quoy elle respondit que ung enfant faict par eulx, qui s’aymoyent tant, seroyt le plus bel enfant du monde ; il dit que leurs fieulx pouvoyent périr comme ceulx à son paouvre frère, à quoy elle respondit que elle ne les lairroyt point s’esloingner de sa iuppe plus qu’une galline faict de ses poussins, tousiours à la ronde de son œil ; enfin avoyt response à tout. Madame feit venir une femme soupçonnée de magie et qui passoyt pour avoir observé ces mystères, laquelle luy dit que elle avoyt veu souvent femmes qui ne concepvoyent point, maulgré leurs études à bien faire la ioye, concepvoir en la manière des bestes, laquelle estoyt la plus simple. Lors Madame se mit en debvoir de faire à l’imitation du bestial, et de ce n’obtint aulcune enfleure de ventre, lequel demouroyt ferme et blanc comme marbre. Elle revint à la science physicale des maistres docteurs de Paris et envoya querir ung célèbre médicin arabe, lequel estoyt venu lors en France y produire une nouvelle science. Adoncques cettuy médicin, élevé en l’eschole d’ung sieur Averroës, luy dit ceste cruelle sentence : que pour avoir receu trop d’hommes en sa nauf, et s’estre adonnée à leurs phantaisies comme elle avoyt coustume en faisant le ioly mestier d’amour, elle avoyt à tout iamays ruyné certaines grappes où Dame Nature avoyt accroché aulcuns œufs, lesquels, fécundez par les masles, estoyent couvez à couvert et desquels esclosoyent en l’accouchement les petits de toute femelle portant mamelles, ce qui estoyt prouvé par la coëffe traisnée par aulcuns enfans. Ceste argumentation parut si mamallement sotte, beste, niaise, à contre-sens des Livres saincts, où est establie la maiesté de l’homme faict à l’imaige de Dieu, et tout au rebours des systèmes suyvis de la