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CONTES DROLATIQUES.

dessus tout de la parfaicte, léale, gracieuse et religieuse vie de sa femme, que, par coustume prinse, aulcuns nommoyent tousiours madame Impéria ; laquelle ne estoyt plus ne fière ne trenchante comme acier, ains avoyt les vertus et qualitez d’une femme de bien, à en remonstrer à une royne. Elle estoyt bien aymée de l’Ecclise pour sa grand religion, veu que elle n’avoyt oncques oublié Dieu, ayant, comme elle disoyt iadis, moult margaudé avecques les gens d’Ecclise, abbez, évesques, cardinaulx, lesquels luy bailloyent eaue benoiste en sa cocquille, et entre deux courtines luy ramentevoyent son salut éternel. Les louanges faictes de ceste dame eurent tel effect, que le Roy vint en Beauvoisis pour avoir subiect de veoir ceste merveille, et feit au sire la graace de couchier à Beaumont, y demoura trois iours et y mena une chasse royale avecques la Royne et toute la Court. Comptez que il feut esmerveiglé, comme aussy la Royne, les dames et la Court, des fassons de ceste belle, qui feut proclamée dame de courtoisie et de beaulté. Le Roy en prime abord, puis la Royne, et ung chascun soula complimenter l’Isle-Adam d’avoir esleu pareille femme. La modestie de la chastelaine feit plus que n’eust faict la fierté, veu que elle feut conviée à aller en la Court et partout, tant estoyt impérieux son grant cueur, tant estoyt tyrannicque son violent amour pour son espoux ! Comptez que ses appas, mussez soubz les drapeaux de la vertu, n’en feurent que plus gentils. Le Roy bailla la charge vacquante de sa lieutenance en l’Isle-de-France et prévosté de Paris à son ancien envoyé, luy donnant le tiltre de vicomte de Beaumont, ce qui l’establit gouverneur de toute la province, et le mit sur ung grand pied à la Court. Ains de ce séiour vint une playe au cueur de madame de Beaumont, pour ce que ung maulvais ialoux de cet heur sans meslange luy demanda en manière de ieu si Beaumont luy avoyt parlé de ses primes amours avecques la demoiselle de Montmorency, laquelle avoyt lors vingt-deux ans, veu que elle en avoyt seize lors du mariaige faict à Rome, laquelle damoiselle l’aymoyt tant, que elle demouroyt pucelle, n’entendoyt à aulcun mariaige et se mouroyt de desespoir en ses cottes, ne pouvant perdre souvenir de son amant emblé, et vouloyt soy mettre au couvent de Chelles. Madame Impéria, depuis six années que duroyt son heur, n’avoyt oncques ouy ce nom, et recogneut à ce que elle estoyt bien aymée. Faictes estat que cettuy temps avoyt esté consumé comme ung seul iour, que tous deux se