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DIRES INCONGRUS DE TROIS PÈLERINS



Alors que le pape laissa sa bonne ville d’Avignon pour demourer en Rome, aulcuns pèlerins feurent guabelez, qui se estoyent arroutez pour la Comtat et deurent passer les haultes Alpes, à ceste fin de gaigner ceste dicte ville de Rome où ils alloyent querir le remittimus de pechez bigearres. Lors voyoyt-on, par les chemins et hostelleries, ceulx qui portoyent le collier de l’ordre des frères Caïn, aultrement la fleur des repentirs, tous maulvais garsons enchargiez d’ames lépreuses qui avoyent soif de se baingner en la piscine papale et portoyent or ou chouses prétieuses pour rachepter leurs maulvaisetez, payer les bulles et guerdonner les saincts. Comptez que ceulx qui beuvoyent de l’eaue à l’aller, au retourner, si les hosteliers leur bailloyent eaue, vouloyent eaue benoiste de cave.

En cettuy temps, trois pèlerins vindrent en ceste dicte ville d’Avignon à leur dam, veu que elle estoyt veufve du pape. Alors que ils dévallèrent le Rhodane pour gaigner la coste Mediterrane, des trois pèlerins, ung qui menoyt en laisse son fils en l’aage de dix ans au plus, leur faulsa compaignie ; puis devers la ville de Milan, ce compaignon se remonstra soubdain sans garson. Adonc-